Les Amis du Patrimoine de Cerisé

Ouest-France, Fabienne GERAULT - 11.02.2021

Cerisé. Qu’est-ce qui se cache sur les murs de l’église ?

Une restauratrice de peintures murales réalise actuellement une expertise. Une étape préalable à la mise en valeur des éléments découverts il y a plus de vingt ans.

Véronique LEGOUX est conservatrice restauratrice de peintures murales. Perchée sur un escabeau, elle élimine avec un scalpel des éléments de badigeon.

Pinceaux et scalpels. Véronique Legoux, conservatrice et restauratrice de peintures murales, accomplit en ce moment un travail de fourmi dans l’église de Cerisé, dans l’Orne. La professionnelle consacre plusieurs semaines à déterminer ce qui se cache sous les couches de badigeon (mélange d’eau, de chaux et de pigments destiné à protéger un mur). Une expertise nécessaire avant d’entreprendre une quelconque restauration.

Évaluer le trésor

Les murs de la petite église romane, vieille de plus de dix siècles, ont révélé leurs trésors en 1998. « C’est en déplaçant un tableau, explique Patrick Cousin, maire, que l’on a vu apparaître des fragments de peintures. » Deux ans plus tard, l’association Les amis du patrimoine de Cerisé est créée. Et en 2001, l’édifice est classé Monument historique.

Une première expertise menée alors par Joël Marie permet de révéler la présence de décors romans et gothiques sur différents pans de murs de l’église. « Aujourd’hui, mon rôle est d’évaluer la quantité de décors et leur étendue, précise Véronique Legoux. Je regarde les sondages effectués par mon confrère et j’en fais d’autres. »

Une vraie enquête

La tâche n’est pas évidente car « on a jusqu’à vingt couches de badigeon différentes sur les murs », souligne la restauratrice. Et les peintures se superposent. « Il faut parvenir à comprendre ce qui est dessus et dessous. » Véronique Legoux doit aussi consolider certains fragments qui menacent de se décoller. Lunettes loupes sur le nez, elle injecte de la résine synthétique avec une seringue et une aiguille fine.

Véronique Legoux, restauratrice de peintures murales, montre ses découvertes à Patrick Cousin et Dominique Charles, respectivement maire et adjoint de Cerisé, ainsi qu'à Jean-Nicolas Bart, président de l'association Les amis du patrimoine de Cerisé.

Son chantier n’est pas fini que déjà la professionnelle s’enthousiasme pour ce qu’elle entrevoit. Aux élus et responsables de l’association patrimoniale venus lui rendre visite, elle confie : « Ici, c’est très intéressant sur le plan de l’histoire de l’art, car il y a beaucoup de peintures et partout, jusqu’à 50 cm du sol. Parfois, elles sont usées, mais toutes les couches sont là. »

Des scènes spectaculaires

Ainsi montre-t-elle une croix « assez rare » du XI^e siècle, « de fausses pierres et faux claveaux peints sur l’arc d’une porte » qu’elle estime dater du milieu du XIII^e siècle… De son pointeur laser rouge, elle désigne ici un petit chapiteau, là une frise ornementale. « Cela fait un peu comme des écailles de poisson », décrit-elle.

Des cavaliers, des chevaux, un chien... c'est un grand décor gothique qui apparaît sous les multiples couches de peinture à la chaux.

« Au-dessus, il y avait de grandes scènes avec des personnages monumentaux, continue la restauratrice. Malheureusement, elles sont dissimulées sous une autre image. » Là où le badigeon a été retiré, on devine des cavaliers, leurs chevaux, un chien, des personnages agenouillés, d’autres hommes, « peut-être un prieur ou un évêque », suggère-t-elle.

Classée Monument historique en juin 2001, la petite église de Cerisé est désaffectée mais n'a pas été désacralisée. | ARCHIVES OUEST-FRANCE

Une fois cette mission de terrain accomplie, Véronique Legoux rédigera un rapport qui contiendra ses propositions de restauration. « A priori, on n’ira pas chercher le premier décor gothique car cela voudrait dire effacer les scènes spectaculaires. » Mais pour l’heure, il faut patienter car les murs de la petite église n’ont pas encore tout dit