Les Amis du Patrimoine de Cerisé

Les Amis du Patrimoine de Cerisé

13 avril 2019 Visite du patrimoine de Mortagne au Perche (Orne)

 

 

       C’est à la rencontre d’un riche patrimoine architectural et artistique que neuf membres de l’association ont accompagné une guide de l’office municipal du tourisme de Mortagne en cette belle après-midi du 13 juin.

Mortagne (commune renommée Mortagne-au-Perche en 1923) revendique depuis des siècles son rôle de « capitale » du Perche. Le Perche désigne à la fois un « pays » aux limites floues, jusqu’à sa suppression en 1790 une province et dans celle-ci un comté, le comté du Perche. Ce comté acquiert son territoire par regroupement de la seigneurie de Mortagne, de la « capitale » de la puissante seigneurie de Bellême démembrée en 1113, puis à la fin du XIIe siècle de la seigneurie de Nogent (famille Rotrou). Cela explique que le rôle de Mortagne comme « capitale » du comté et surtout de la province du Perche ait été contesté par Bellême et par Nogent-le Rotrou. A partir de 1268, le comté, entré dans le domaine royal en 1227, est associé avec le comté (puis duché) d’Alençon et l’ensemble est confié par le roi à un membre de sa famille (la branche Valois des Capétiens de 1293 à 1525).

       Mortagne apparait dans le paysage sous la forme d’une motte avec ses fossés et son château en bois au Xe siècle, base d’une seigneurie dont la « capitale » était auparavant Corbon. Cette première fortification est remplacée, au sommet d’une colline voisine, par une ville fortifiée avec murailles, six tours (dont trois ont été réutilisées dans des constructions encore existantes) et trois portes. Le château du Fort Toussaint est construit au XIIe siècle à l’intérieur de cette enceinte. L’enceinte et son château sont remis en état à la fin du XIVe siècle, en même temps qu’est construite une deuxième enceinte qui décuple la superficie de la ville. Ces fortifications sont en grande partie abandonnées au XVIIIe siècle, ruinées ou cédées à des riverains, mais le bâti urbain a en grande partie subsisté.

       Notre guide, en délaissant le bâti postérieur au début du XVIe siècle (et notamment les riches hôtels particuliers des XVIe et XVIIIe siècles), nous a montré ce qui subsiste des époques antérieures.

 

La porte Saint-Denis

       C’est la seule porte de la première enceinte qui soit parvenue jusqu’à nos jours. Construite au XIIIe siècle, elle a été au XVIe siècle rehaussée de deux étages d’habitation qui abritent maintenant le Musée Percheron. Voûte en arc brisé et rainures dans les murs pour descendre la herse en cas d’agression.

 

La rue du Portail Saint-Denis et la porte Saint-Denis vues de l’intérieur du l’enceinte.

 

La voûte de la porte Saint-Denis.

 

La maison des comtes du Perche

       Ce vaste hôtel particulier est bâti au début du XVIIe siècle pour la résidence des comtes qui abandonnent l’inconfortable Fort Toussaint. Il jouxte la porte Saint-Denis et comprend, autour d’une cour, trois bâtiments.

 

Façade donnant sur la rue du portail Saint-Denis (début du XVIIe siècle).

 

Pignons de deux bâtiments de la maison reliés par une tour réaménagée de l’ancienne enceinte.

 

Le couvent des Clarisses

 

       L’Ordre des Pauvres Dames ou Ordre des Clarisses est fondé en 1212 par Sainte-Claire d’Assise à la demande de Saint-François d’Assise. C’est seulement en 1502 qu’il s’implante à Mortagne sous l’impulsion de Marguerite de Lorraine (veuve du comte du Perche) avec la construction extra-muros du Couvent Saint-François et Sainte-Claire. Les religieuses se chargent du secours aux malades ; leur couvent donne plus tard naissance à l’hôpital dont dépendent actuellement les constructions de l’époque des Clarisses.

 

Une partie des constructions du couvent des Clarisses : le cloître, la chapelle et une partie du dortoir (début du XVIe siècle).

 

       Autour d’une cour carrée, le cloître a conservé ses 4 galeries. Sur deux côtés, il est entouré par la chapelle et par le dortoir dont on voit l’une des fenêtres à gauche.

 

L’une des galeries du cloître. Ces galeries sont couvertes en utilisant de solides charpentes en berceau reposant sur de graciles colonnes.

 

Coffre en chêne pour le stockage des grains dans l’une des galeries du cloître. Des cordes passant par des poulies permettaient d’ouvrir le couvercle.

 

       La spacieuse chapelle date également du début du XVIe siècle et, comme l’église Notre-Dame qui lui est contemporaine, incarne le gothique flamboyant. Les murs et la voûte en berceau brisé avec plafond lambrissé sont couverts de peintures du XIXe siècle.

 

Le chœur de la chapelle.

 

Le chœur de la chapelle : détail de la photo précédente. Riche décoration, dont peintures murales du XIXe siècle. Entre les statues de Saint-François d’Assise et de Sainte-Claire d’Assise, une niche grillagée accessible par l’extérieur de la chapelle permettait aux malades d’assister à la messe sans gêner les religieuses.

 

L’église collégiale et royale de Toussaint

 

       Elle est fondée en 1203 par Mathilde de Bavière en mémoire de son époux décédé Geoffroy III comte du Perche. Située à l’intérieur de la première enceinte fortifiée, elle comprenait une vaste église dont seule subsiste la crypte semi-enterrée, le reste de l’église ayant été détruit en 1796.

La crypte Saint-André sur laquelle était construit le chœur de la collégiale est bâtie au XIIIe siècle et, conservé, a été réutilisée comme fondation du tribunal d’instance. Les piliers engagés dans les murs et les deux piliers centraux délimitent deux larges nefs de chacune trois travées surmontées de voûtes en croisées d’ogives.

 

Nef Nord de la crypte Saint-André vue vers l’Est.

 

L’un des deux escaliers (murés en haut depuis les destructions de la fin du XVIIIe siècle) entre le chœur et la crypte. C’est une disposition fréquente dans les cryptes afin de faciliter la déambulation des fidèles, chaque escalier étant utilisé à sens unique.

 

 

La maison du doyen de Toussaint

 

       Logis de la fin du XVIe siècle construit pour le doyen des chanoines de la collégiale de Toussaint. Sa façade comprend de nombreux aspects qui se retrouvent dans le logis de Marie d’Armagnac (à côté du logis des comtes du Perche) et dans des manoirs des campagnes percheronnes (comme le manoir de la Vove à Corbon).

 

La façade aux grandes fenêtres comprend une tour octogonale pour l’escalier en vis. A droite, réutilisation d’une tour de la première enceinte.

 

 

L’église paroissiale Notre-Dame

 

       Reconstruite à partir de la fin du XVe siècle, elle illustre le style architectural et décoratif du gothique flamboyant. Sa façade Ouest parait massive : la tour du clocher a brûlé en 1887 puis, après restauration, s’effondra en 1890 et fût remplacée par une construction qui a détruit l’équilibre et l’élégance de la façade.

 

Façade occidentale de l’église Notre-Dame.

 

 

 

La voûte à pendentifs de la nef est caractéristique de l’exubérance du style gothique flamboyant, tout comme les anges sur les nervures des arcs.

 

       Dans cette église très lumineuse, les vitraux sont omniprésents. Certains sont anciens, datant de l’époque de reconstruction (XVIe siècle) les autres du XXe siècle

 

Vitrail ancien (XVIe siècle) d’une chapelle du bas-côté Nord de la nef : la décapitation de Jean-Baptiste à gauche, la danse de Salomé, au centre, l'apôtre Jean,évangéliste, martyrisé par immersion et aspersion avec de l'huile bouillante,à droite.

 

Vitrail (début du XXe siècle) d’une autre chapelle du bas-côté Nord de la nef : Les trois épouses marquantes de comtes du Perche. Ce vitrail est l’oeuvre de Barillet et Tournel. Louis Barillet ( 1880-1948) , Maître-verrier, natif d’Alençon, a conçu de nombreux vitraux pour les églises de l'Ile de France et de la Normandie.

 

       Les trois femmes (par ordre chronologique) :

 

       « Mahaut, Vve [veuve] de Geoffroy III, comte du Perche, fonde l’église de Toussaint. 1203

Mahaut - ou Mathilde - Welf (1172-1209) est une fille du duc de Saxe et de Bavière. Elle épouse en 1189 Geoffroy III de Châteaudun, comte du Perche (1191-1202). Devenue veuve à 30 ans, puis remariée, elle exerce la régence du comté pendant la minorité de son fils héritier du comté.

 

       « Marie d’Armagnac, épouse de Jean, comte du Perche, servante des pauvres. ? [décédée en] 1473 »

Marie d’Armagnac (1420-1473), fille du roi de Navarre, est la seconde épouse de Jean II de Valois-Alençon (1409-1476), duc d’Alençon et comte du Perche. Elle fût inhumée dans la collégiale de Toussaint ; son tombeau a été détruit pendant la Révolution.

 

       « Marguerite de Lorraine, Vve [veuve] de René, comte du Perche, bâtit le couvent St François. 1453-1521 »

Marguerite de Lorraine-Vaudémont (1453-1521) est une fille du comte de Vaudémont et la sœur du duc de Lorraine René II. Mariée en 1488, elle ne vit que 4 ans avec son époux René de Valois-Alençon (1454-1492), duc d’Alençon et comte du Perche, fils du couple précédent. Devenue veuve, elle se consacre notamment à la fondation de couvents de « Clarisses » et se retire dans celui d’Argentan où elle est inhumée.

 

       Marguerite de Lorraine a été béatifiée en 1921, quatre siècles après son décès.

 

Texte: Yves BULTEL

Photos: Jean-Nicolas BART; Catherine GUIGNOCHAU; Gérard BEAUMONT

 



01/05/2019
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